Avant la neige
Un petit jour frileux se lève
dans le silence ouaté
d'une brume laiteuse et dense
où le matin nouveau frissonne
sur les pentes de la montagne
encore engourdie de sommeil.
Sur les prés saisis par le froid,
le givre déposé en voile blanc
pendant la longue et obscure nuit
augure de la rudesse à venir
de cet hiver à ses prémices.
Les cheminées des chalets
d'un hameau resserré
le long d'un chemin étroit
exhalent la fumée des feux de bois
brûlant déjà hauts et clairs
dans les âtres de pierre.
A l'intérieur d'une des habitations,
pendant que la mère s'active
à faire lever les petiots,
le père, assis à la table familiale, (*)
est occupé à manger une écuelle
de soupe épaisse et bien chaude,
accompagnée d'un morceau de fromage
et d'une large tranche de pain.
Une fois rassasié de ce plat consistant,
il chaussera ses gros godiots de cuir, (*)
enfilera sa veste fourrée et son bonnet,
mettra son écharpe et ses gants tricotés,
posera un baiser de tendresse bourrue
sur le front pâle de sa femme
puis sortira dans l'air glacial.
Il passera d'abord à la remise
pour prendre sa hachette et sa serpette,
avant de partir dans la forêt
située en amont des maisons.
Marchant d'une foulée rapide et franche,
il s'en ira faire provende de petit bois
avant que la neige ne se mette à tomber,
pour avoir de quoi allumer le feu
tant que durera l'hiver.
Car quand elle sera trop abondante,
lui et tous les autres habitants
seront, par la force des éléments,
cloîtrés chez eux pour des semaines.
(Novembre 2020)
Poème inspiré par mes lectures sur la vie au début du 20ème siècle dans les montagnes et particulièrement dans le Haut-Jura (région à proximité de laquelle j'ai passé mon enfance) 🏞🌲❄️
À l’époque, il valait mieux se préparer dès l’automne à l’hiver, car les chutes de neige pouvaient être abondantes et bloquer durablement l’accès aux villages et hameaux d’altitude. Aussi les habitants étaient-ils attentifs à constituer des réserves suffisantes (nourriture, bois de chauffage) afin de ne pas manquer en cas d’hiver rigoureux, ce qui n’était pas rare en ces temps-là.
(*) Le père, la mère, c'est ainsi qu'on désignait ses parents à l'époque dans le Jura. Et les parents disaient "les petiots" pour parler des enfants. Ces appellations n'avaient absolument rien de péjoratif et étaient au contraire pleines d'affection et de respect.
Le mot "godiots" désigne des grosses chaussures en cuir épais, du style de nos chaussures de marche ou de sécurité à l'heure actuelle 🥾
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