Nuances de plume

Nuances de plume

Vendredi 13

 

~ Nouvelle ~

 

 

Ça a bien déjà dû vous arriver de vous dire, certains jours, que vous auriez mieux fait de ne pas vous lever …

Moi aussi, et surtout après un certain vendredi, journée catastrophique que je m'en vais vous conter de suite, où tout est allé de travers et à laquelle j'ai bien failli ne pas survivre !

 

Ça a commencé dès le petit matin, quand en me réveillant j'ai constaté que mon alarme n'avait pas sonné et que j'allais être en retard au boulot. Je me suis donc levé dare-dare, j'ai sauté dans mes fringues en zappant la douche, et j'ai filé à la cuisine, histoire d'avaler un petit quelque chose pour ne pas partir le ventre vide. Mais comme j'étais encore dans les brumes du sommeil, en voulant me servir un jus d'orange j'ai laissé échapper mon verre qui a volé en éclats en rencontrant brutalement le carrelage. Il m’a fallu sortir la pelle et la balayette pour ramasser les bris de verre et les flanquer à la poubelle. Et, manque de bol, à vouloir faire vite-vite, je me suis coupé la main. 

 

Après un passage forcé à la salle de bain pour nettoyer la plaie et mettre un pansement (et un coup de déodorant, pendant que j'y étais), j'ai attrapé mon téléphone, mes clés et ma veste à la volée, et je suis parti à toute vitesse, pour me retrouver devant une affichette signalant que l'ascenseur était hors-service. J'ai dû prendre les escaliers que j'ai dévalés quatre à quatre, ce qui m'a valu de me retrouver sur le derrière après avoir loupé une marche. Heureusement, cela ne m'a pas empêché de me relever immédiatement et de reprendre ma descente, même si j'avais un peu mal aux fesses et au bas du dos. 

 

En sortant de l'immeuble, j'ai manqué de heurter un chat noir qui passait en courant ventre à terre, comme s'il avait le diable aux trousses. Puis en allant jusqu'à ma voiture qui était garée un peu plus loin dans la rue, je suis passé sous une échelle dressée contre le mur d'un bâtiment voisin du mien. Mais lorsque j'ai voulu démarrer… rien. J'avais beau tourner la clé, ma bagnole ne voulait rien savoir, rien de rien. La tuile ! Il me restait bien la solution du bus, mais là je savais que j'arriverais très en retard au travail. Il me fallait donc prévenir mon patron. Après tout, j'avais une excuse toute trouvée avec cette panne de voiture, qui allait être utile à autre chose qu'à me mettre les nerfs en pelote ! Seulement, quand j'ai voulu composer son numéro, je me suis rendu compte que la batterie de mon portable était à plat (ce qui expliquait d'ailleurs le silence de l'alarme ce matin). Décidément, la poisse me collait à la peau !

 

J'ai donc activé mon plan B, prendre les transports en commun, et je suis parti pour rejoindre l'abribus situé à trois rues de celle où j'étais, en espérant que je n'aurais pas à attendre trop longtemps. Les pensées se bousculaient dans ma tête et, tout en marchant d'un bon pas, je me disais pêle-mêle que j'avais vraiment la chkoumoune aujourd'hui, que j'allais me prendre une belle engueulade de mon chef de service qui se montrait ultra-exigeant sur le respect des horaires, et qu'il y avait vraiment des jours où on devrait rester au lit.

 

J'en étais là de mes cogitations anarchiques quand j'ai ressenti un choc violent sur la tête et… plus rien, l'obscurité complète, le trou noir, le vide total, le néant abyssal. 

 

*~*~*~*~*

 

Quand je me suis réveillé, j'étais couché dans un lit d'hôpital, et je ne comprenais pas ce que je faisais là. Au même moment, une infirmière est entrée dans la chambre et, voyant que j'étais réveillé, m'a parlé. Elle voulait savoir si j'avais mal à la tête, puis si je savais comment je m'appelais et si je me souvenais ce que je faisais juste avant d’être blessé. 

 

Après un bref instant de réflexion, les événements me revinrent en mémoire et je lui racontai ce qui s'était passé ce matin, en lui précisant que je ne savais pas l'origine du choc que j'avais ressenti à la tête, et en lui demandant si c'était à cause de ça que je me retrouvais ici. 

 

Elle eut un léger sourire de satisfaction, et commença par me détromper sur la date : nous n'étions plus le vendredi 13, mais le samedi 14. Puis elle m'expliqua que la veille, les pompiers, alertés par un riverain, m'avaient retrouvé inconscient sur un trottoir. D'après la personne qui avait appelé les secours, je venais de me prendre un pot de fleurs sur le crâne, qui m'avait assommé tout net. Devant ma mine effarée, elle ajouta que j'avais eu de la chance dans mon malheur, car quelques mètres plus loin, c'était carrément un bac à fleurs en béton qui s'était détaché d'un balcon, et que si j'étais passé dessous à ce moment-là, c'en aurait été fini de moi. Elle conclut en disant que la municipalité ferait bien de s'occuper du délabrement de certains bâtiments vétustes de la ville avant qu'il y ait des morts.

 

Je réalisai rétrospectivement le danger auquel j'avais échappé, et un frisson de frayeur me parcourut le dos. L'infirmière dut s'en rendre compte, car elle posa une main sur la mienne en me disant d'une voix apaisante que l'essentiel, c'était que le plus grave avait été évité et que grâce aux bons soins de l'équipe médicale, je serais bien vite sur pieds.

 

Ressentant intensément la douceur de sa paume, je serrai sa main un peu plus pour tenter de la retenir le plus longtemps possible, tout en regardant ma protectrice et en la trouvant très jolie avec son visage aux traits fins, à l'ovale ferme, entouré de quelques mèches châtain clair s'échappant de son calot.

 

*~*~*~*

 

Un an plus tard, un samedi 13 et non un vendredi (ouf !), le souvenir de cette journée qui failli m'être funeste me revient en mémoire. Et quand je commence à l'évoquer, je sens immédiatement une main se poser sur la mienne pour me rassurer, une paume à la peau douce que je connais bien désormais. Et la voix de celle que je surnomme "mon ange gardien" depuis la date de cet accident murmure des mots apaisants à mon oreille. Je regarde alors ce visage au joli sourire, aux traits fins, à l'ovale ferme et aux mèches châtain clair s'échappant d'une pince à cheveux… et je ne peux retenir le tendre baiser, où se mêlent reconnaissance et amour, que je pose sur ses lèvres fraîches.

 

 

Août 2021

 

Récit entre humour et tendresse inspiré par la superstition populaire qui veut que le vendredi 13 porte malheur, surtout si on croise un chat noir, qu’on passe sous une échelle et/ou qu’on casse du verre blanc... entre autres.

 

Même si je n’accorde aucun crédit à ces superstitions et si je trouve que les chats noirs sont d’une beauté fascinante, cela n’a pas empêché mon inspiration de s’emparer du sujet et de laisser libre court à mon imagination.

 

En choisissant toutefois la forme d’une nouvelle car la prose m’est apparue plus pertinente que les vers dans le cas de ce texte.

 

Car il m’arrive d’écrire quelquefois des récits, celui-ci n’étant pas le premier... ni le dernier, du moins je l’espère. Mais comme ce n’est pas non plus un format de texte que j’utilise souvent, je préfère ne pas créer de nouvelle rubrique, qui serait finalement assez peu "remplie", et je publierai les prochaines nouvelles au milieu de mes poèmes, dans la rubrique "Au fil des mots", comme je le fais pour celle-ci.

 

 

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13/01/2023
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